Je vous parlais ici de mon expérience du racisme au Canada. Aujourd’hui je reviens vous parler du racisme que subit ma fille. Mam’zelle G commence doucement mais surement à être consciente des micros agressions et commentaires déplacés auxquelles elle est exposée. Ces remarques en tous genres viennent aussi bien d’enfants que …d’adultes. Il y a quelques semaines, alors que j’étais avec elle dans une salle d’attente, un homme dans la cinquantaine (un adulte donc) est venu lui dire qu’elle était vraiment trop belle. Il a rajouté (toujours en s’adressant à elle) qu’il ne sort uniquement qu’avec « des noires parce qu’elles ont ce petit je ne sais quoi qui les rend excitantes ». Il a continué en disant qu’elle avait la chance d’avoir « un nez plus fin et des cheveux moins crépus » que… moi. Il a fini son monologue raciste en rajoutant que son ex qui est Egyptienne n’était pas assez « typée » à son goût, que son plus grand regret c’est que MALHEUREUSEMENT oui vous avez bien lu les enfants qu’il a eus avec elle ne sont pas « exotiques » contrairement à Mam’zelle G et que sa copine actuelle est noire avec des traits plus fins que les miens HEUREUSEMENT vous lisez toujours bien.
Même si la totalité son discours est problématique, cette dernière phrase a été pour moi le commentaire de trop. J’avais envie de lui souffler dans les bronches mais comme je ne voulais pas renforcer le cliché de la noire qui se victimise, agresse un pauvre homme et l’accuse de racisme alors qu’il ne sort qu’avec des noires je lui ai gentiment expliqué que je trouvais ses propos déplacés. Il a quand même eu l’audace de me rétorquer qu’il ne voyait vraiment pas ce qu’il avait dit de mal et qu’il ne faisait que « complimenter » Mam’zelle G qu’il trouvait vraiment trop mignonne. En sortant de là ma fille (qui a été choquée par les propos de ce monsieur) m’a confié que ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait des commentaires de ce genre.
Récemment, une de ses camarades de classe racontait une soi-disant blague qui comparait littéralement la couleur de sa peau à celle d’un étron. Oui, blague de merde, c’est le cas de le dire. Mam’zelle G été outrée par l’incident et m’en a parlé. Je lui ai demandé comment les adultes ont géré la situation. Elle m’a répondu qu’on lui avait dit que ce n’était pas du racisme, de ne pas en faire un drame parce qu’on ne « voit pas les couleurs anyway » et qu’on n’avait rien dit à sa camarade. Quelques semaines plus tard, on a refusé à ma fille le rôle de Cléopâtre. On lui a expliqué qu’elle ne pouvait pas jouer la reine d’Egypte antique parce que cette dernière « n’est pas noire ».
Je sais par expérience que les micros agressions sont banalisées. On demande à la victime de l’agression d’ignorer la violence de l’injure qui lui a été adressée. Entendons-nous bien, je suis bien consciente qu’il s’agit ici d’enfants. Cependant ce genre de blagues et de micros agressions peuvent avoir des conséquences très graves sur les personnes qui les subissent. Dédramatiser, déresponsabiliser l’auteur de la vanne et brandir l’argument de « victimisation » à la personne qui a été comparé à des excréments si jamais elle se révolte, la culpabilisant au passage, est-ce vraiment la meilleure gestion qu’on peut avoir de ce genre de choses ? Une action pédagogique afin de remettre en contexte et d’expliquer de façon réaliste les conséquences de ces actes est nécessaire de mon point de vue. Ma fille m’a avoué qu’elle ne rapportera plus ce genre d’incident parce que « ça ne change rien d’en parler de toutes façons. »
Son commentaire m’a fait énormément de peine. C’est insupportable de voir ma fille intégrer et accepter petit à petit qu’elle doit se résigner face à ce genre d’actes racistes. Ça m’a fendu le cœur d’une part parce que c’est d’une violence inouïe et d’autre part…parce que je suis un peu d’accord avec elle. Ce genre de choses peut jouer sur plein d’aspect de sa vie (estime de soi pour n’en citer qu’un) et le fait de la voir se resigner (à son jeune âge) à ne pas en parler, à devoir ravaler sa colère et son indignation (qui sont des sentiments LEGITIMES) m’a brisé le cœur car c’est un sentiment qui ne m’est que trop familier…
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai fermé ma gueule, face à des actes, des blagues, des comportements (remplissez les blancs avec le mot qui convient) RACISTES parce qu’il ne fallait pas trop faire de vague. Se taire par peur de perdre son emploi, pour ne pas renforcera un cliché, pour ne pas avoir à s’exposer aux bons vieux commentaires faussement bienveillants du style « oh ce n’est pas la peine de relever tu vaux mieux que ça… » ou encore le fameux « en réagissant ainsi tu joues le jeu des racistes » …
Se museler pour ne pas se faire accuser de victimisation, pour ne pas voir son humanité mise en doute. Voir l’autre se déresponsabiliser complètement de cet acte qu’il vient de poser, l’entendre dire que ce qu’on ressent n’est pas légitime et ne rien dire parce que « c’est mieux ainsi » …
Mieux pour qui et mieux comment en fait ? Faut-il que les actes soient accompagnés d’une agression physique violente pour avoir le droit d’en parler et de s’indigner? Est-ce si difficile que ça de comprendre qu’on peut poser un acte raciste sans le savoir?
De quel droit les gens se permettent ils de dire ce qu’on a le droit ressentir ou encore comment on doit réagir ? Depuis quand l’autre décide de la façon dont un incident nous affecte dans notre être et dans notre chair ? Le racisme donne-t-il un super pouvoir qui permet de savoir exactement ce que l’autre ressent ?
J’ai dit à ma fille qu’elle pourra me parler autant qu’elle voudra de ce qu’elle ressent . On dénoncera ce mal nauséabond et répugnant qu’est le racisme si elle a envie de le faire. Ma fille a le droit de réagir si elle veut; ses sentiments sont valides et légitimes.
Catégories :Le coins des petits Gaous, Le Gaou est fâché
c’est bien triste de voir encore de telle réaction (ne pas expliquer à l’enfant que ce qu’il dit est mal) mais cela ne m’étonne pas!!! j’ai vécu au nouveau Brunswick et je suis blanche mais je ne suis pas canadienne et bien j’ai ressenti du racisme vis à vis de l’étrangère que j’étais, alors je n’ose imaginé ce que l’on vit quand on n’est pas blanc jaune vert…. dans ce pays qui est pourtant réputé non raciste (qu’est ce que ce doit être ailleurs)
Je note au passage que son langage me semble vulgaire surtout pour une jeune je trouves même choquant son discours et pour une enfant c’est pire!!!
Tu as bien raison de laisser ta fille te parler elle doit évacuer ces réflexions pour surtout rester fière d’elle et garder sa confiance en elle intacte!!! Restez forte!!!! c’est important!!!!
Merci pour ton commentaire 🙂
Très bon article, ta fille a bien de la chance de t’avoir. Je parlais récemment de cela avec mon mari, il me faisait par de ses propres expériences, je lui ai dit « Regarde ce qu’ils te font, imagines que les femmes noirs c’est pire, tu es une femme et en plus noir, les gens se permettent n’importe quoi comme commentaires ».
Courage a nous ❤❤❤
Merci beaucoup! et oui du courage il nous en faut 🙂
Il me vient une envie de foutre une claque à ce pauvre type… I don’t even know where to start. Tout est déplacé. Les stéréotype, sexualiser une enfant…
J’écoutais le témoignage intéressant d’une Suisse noire récemment, et elle expliquait que ça l’avait beaucoup marquée d’être sexualisée très jeune, par des commentaires, alors qu’elle ne savait même pas encore ce qu’était la sexualité. Évidemment, n’ayant pas subi ça, je n’avais jamais pris conscience de ça. Je le garde en tête, une autre façade lamentable du racisme.
Oui effectivement. Si tu as le temoignage que tu evoques, je serais ravie de l’entendre 🙂
A bientot!
C’est répugnant l’attitude de ce type et encore plus vis à vis d’une enfant très malsain le jour ou les gens comprendront qu’ils ont en face d’eux une personne point barre quelque soit la couleur de la peau.
Quand au racisme au Québec ou j’y est vécu de nombreuses années je peux dire qu’il est très présent moi même un jour alors que je discuté avec un québécois qui me disait qu’il y avait trop d’immigrant et moi de lui rétorqué que c’était justement une chance d’avoir de la diversité culturelle, culinaire ou autre et que cela apporté ce petit plus qui façonne ce grand Pays qu’est le Canada et là voilà ce qu’il me répond ah mais ça dépend quels immigrants car comme toi me dit il tant que tu n’ouvres pas la bouche on ne sait pas d’ou tu viens alors là j’ai vu rouge et je ne me suis pas gêné pour lui dire que ces paroles étaient vraiment raciste, ben pour lui pas du tout il a pas compris car il pensait me faire un compliment.
Merci pour ton commentaire. Effectivement le racisme est bel et bien present ici.
Il y a des combats qui seront sans cesse à mener. Ne pas se resigner sans se victimiser. Trouver le juste équilibre. Etre a ses côtés a son écoute. Love
Merci Sylvie pour ton commentaire.
Je connais bien ce sentiment d’impuissance, de rage aussi lorsque son enfant est attaqué juste sur la couleur de sa peau ! Et pire que tout les phrases faussement gentilles « tu sais je ne suis pas raciste … » « ils sont mignons vous les avez adoptés où? » devant eux Réponse un « en fait tu ne devrais même pas avoir à le souligner » réponse deux « ben je les ai fabriqués de manière artisanale » et puis parfois on baisse les bras on a juste mal au bide pour eux.
Oh oui je vois tres bien ce que tu veux dire.
:((((((( completement malade ce monsieur ! Je ne l’aurais pas laissé parler à ta fille !!!
Pureee! Quelle âge a ta fille? Je vais préparer mon fils…
Une dizaine d’années. Bon courage 🙂