Tribulations d’une working mom, entre félicité et culpabilité.  

2015-06-24 08.35.06Hier matin, comme tous les jours j’ai préparé les affaires de Mam’zelle Gaou et j’ai fait son petit déjeuner puis je suis allée la réveiller. Tous les matins c’est le même rituel, rien d’extraordinaire si ce n’est que l’école est finie depuis lundi. Elle me l’avait dit et on a eu  une note de l’école mais ça m’est sorti de la tête. J’ai été submergée par la culpabilité ; j’ai eu l’impression d’être une mauvaise mère. Je ne sais pas à quel moment je suis devenue cette femme qui oublie la date du dernier jour d’école de son bébé.

J’ai toujours été tiraillée entre mes envies de carrière et mon désir d’enfant. Quand Mam’zelle Gaou est née, j’ai su immédiatement que je retournerais travailler. Même si j’étais tombée amoureuse de ce petit être rose qui me prenait toute mon énergie , je savais que j’aurais besoin de retourner travailler. C’est assez paradoxal parce-que l’idée même de « l’abandonner »  me rendait malade à l’époque et m’angoisse toujours autant aujourd’hui.
Je l’ai laissée chez la nounou à deux mois et demi ; le premier jour de garde a été un enfer pour moi.  Je ne supportais pas l’idée de laisser cette inconnue s’occuper de mon enfant. J’avais prévu d’aller me cacher munie de jumelles dans un buisson en face  de chez elle  afin de l’espionner. J’aurais pu mettre cette idée brillante en pratique si l’homme cet enfoiré n’avait pas dit que c’était illégal et menacé de me dénoncer à la police.
J’ai toujours su malgré tout que je n’étais pas le genre à rester à la maison pour m’occuper des enfants. J’aurais fait une femme au foyer lamentable. Ça ne m’a jamais effleuré l’esprit de rester à la maison. Après 1 mois et demi de congé maternité, je me faisais chier j’avais l’impression de tourner en rond ; j’avais beau aimer mon bébé plus que tout au monde,  je me sentais prise au piège.  Coincée dans une bulle hermétique où les seules activités consistaient à changer des couches nauséabondes et à nettoyer derrière une usine à déchets. Je veux pouvoir m’occuper de ma famille, avoir un travail stimulant et prendre du temps pour moi.
J’ai des amies qui ne sont heureuses que lorsqu’elles s’occupent de leurs familles. Elles ne font rien sans leurs maris et leurs enfants. Certaines d’entre elles ont renoncé à une carrière prometteuse pour devenir femme  au foyer. Elles sont heureuses ainsi et je les admire pour ça. Je suis incapable de faire ce genre de sacrifice.  Je ne pourrais jamais me contenter d’une vie de femme au foyer aussi passionnante soit-elle.
J’aime travailler ; ça me stimule, ça me donne l’impression d’être utile, de participer à quelque chose de grandiose. J’aime échanger avec des adultes, sur des sujets divers et variés.  Ça me booste, ça me force à repousser mes limites, à toujours donner le meilleur de moi-même.J’ai pensé à prendre un congé parental d’un an quand ma fille est née histoire de passer du temps avec elle. Mais l’idée de tourner en rond et de me retrouver au placard après tout ce temps m’a fait changer d’avis. Le plus ironique dans tout ça c’est que mon manager de l’époque était persuadé que j’allais enchainer le deuxième enfant assez rapidement et me privait de tout avancement. Quand j’ai essayé de lui expliquer que la carrière était aussi importante à mes yeux que les enfants, il m’a traité de folle.  Il m’a ensuite suggérée d’oublier « ces imbécilités », de « pondre » (ce sont ces mots) le deuxième et de rester un peu à la maison comme le ferait toute bonne épouse.
Je travaille depuis de longues années et c’est devenu une partie de moi ; je ne peux pas m’imaginer en dehors d’un bureau ou loin d’un ordinateur. J’ai besoin de cette énergie, de cet échange avec les autres. Et puis je dois avouer que j’aime beaucoup l’argent il faut bien financer mon addiction aux chaussures et travailler est le seul moyen efficace et honnête que j’ai trouvé pour en gagner. Je ne voudrais pas renoncer à ma carrière pour mon enfant; je ne voudrais pas lui faire porter ce sacrifice.
Je pense que je serais vraiment déprimée si je devais choisir entre mon travail et ma fille. Bien évidement ma fille passe avant tout, mais je suis convaincue d’être une meilleure maman parce-que je travaille. Je suis plus épanouie (qui voudrait d’une maman dépressive ?), de plus mon salaire me permet de lui offrir de choses qu’elle n’aurait pas pu avoir si je ne travaillais pas.
Même si j’ai trouvé un équilibre plutôt appréciable entre ma vie professionnelle et ma vie de maman, je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser. Je culpabilise quand je dois quitter le bureau plus tôt que mes collègues sans enfants parce-que j’ai des choses de prévues avec ma famille. Je culpabilise quand je rentre très tard le soir et qu’elle a attendu mon retour pour se coucher. Je culpabilise quand je rate certains évènements de sa vie parce que je suis au bureau. Il y a quelques années, j’ai raté ses premiers pas; j’étais en réunion avec des clients jusqu’à 23h.
Avec mon nouveau travail, j’ai des déplacements professionnels qui me font partir loin d’elle pendant plusieurs jours. Quand je regarde autour de moi, la majorité de femmes qui ont une carrière impressionante et des postes intéressants sont sans enfants ou les ont eu très tard. Une de mes collègues m’a avoué qu’elle a dû choisir entre sa carrière et les enfants et qu’elle a privilégié le boulot.

Je sais que ma fille ne m’en veut pas du tout. Elle m’a encore dit ce matin que j’étais sa maman « préférée ». Nous sommes proches et nous partageons des moments privilégiés toutes les deux. J’adore mon boulot mais j’ai parfois la sensation de rater la majeure partie de la vie de mon bébé…



Catégories :Une vie de Gaou

12 réponses

  1. Et oui pas facile de trouver un équilibre entre famille et boulot mais ça fait partie des challenges de la vie. Et puis, il ne suffit pas d’être présent pour les « grands évènements » mais plutôt d’être là au quotidien et j’ai l’impression que tu t’en sors très bien pour ça!

    • Merci Eva. Ce n’est pas évident de trouver l’équilibre. J’avoue que je me demande souvent si je ne peux pas en faire plus. Comme tu dis il ne suffit pas d’être là aux grands événements mais d’assurer au quotidien.
      Merci d’être passée!

  2. Ce billet est très touchant. Je dois bien avouer que je me retrouve pas mal dans ce que tu décris sur le désir d’équilibre entre vie de femme, de working girl, d’épouse et de maman.
    Si il y a bien une chose sur laquelle j’ai travaillé c’est bien la culpabilité : c’est un poison.
    Si tu les fais les choses et que tu sais pourquoi tu les fais, il n’y a plus qu’à les assumer.
    Bien faire et laisser dire.
    Facile à dire hein …
    Mais la culpabilité se transmet et peut déteindre…
    Tu ne pourras pas tout voir, tout entendre et tout partager… C’est ainsi, c’est injuste mais c’est le prix à payer pour d’épanouir aussi dans l’histoire… Et c’est un choix de vie 😉
    Je suis sure que tu es une maman formidable et que ta fille te le rend bien.
    Trust yourself 😉

    • Merci Ariane. Quand on est perfectionniste on a toujours l’impression qu’on peut en faire plus. L’essentiel comme tu dis c’est de trouver son rythme et de l’assumer.

  3. Alors, pour avoir été 24/24 avec Mark pendant deux ans, je peux te dire que 1) tu trouves toujours un moyen de trouver que tu n’en fais pas assez 2) Beaucoup de ces heures sont assez vides, on se retrouve très vite à tourner en rond et à « occuper » l’enfant sans pour autant y prendre beaucoup de plaisir. Je vois la différence, maintenant qu’il va à la garderie. Quand je suis avec lui, je suis VRAIMENT avec lui et j’y prends plaisir. Avant, je me levais en me disais « oh pitain… il est 8 h, c’est parti pour 12 h et avec la chance que j’ai, il va pas vouloir faire la sieste » :-/ Tu sens que tu as touché le fond quand tu te retrouves au centre commercial à l’ouverture, parce que tu n’as nulle part où aller et qu’il fait -40C dehors.

    En plus, je travaillais, hein, quand il dormais… vive la flexibilité… et le méga burnout. Ben oui, même si je bosse de la maison (traductrice, je le rappelle, pas péripatéticienne), mes projets, ils ne s’écrivent pas par magie.

    Brfe, j’admire les femmes qui choisissent de s’occuper de leurs enfants toute la journée. C’est un job à plein temps qui demande d’avoir un bon réseau social (au bout d’un moment, les enfants – pas les bébés – veulent jouer avec d’autres enfants) et beaucoup d’organisation.

    Je ne regrette pas les moments passés avec Mark, mais ça a été très dur. Je me suis accrochée au boulot (au lieu de laisser tomber, de tout mettre en parenthèse) parce que c’était ma bouffée d’air. Surtout en tant qu’immigrants, je trouve, c’est par le travail souvent qu’on rencontre des gens, qu’on apprend, etc. Je me suis sentie tellement seule en tant que (jeune) maman avec Mark… :-/

    • J’imagine que ça a dû être difficile. On doit vite sombrer dans la solitude si on n’est pas bien entouré. S’occuper des enfants par obligation et non par choix, ça doit être difficile.
      L’essentiel est d’être épanouie au travail comme à la maison.

  4. Lorsque j’étais enceinte, j’avais comme plan de rester un maximum de temps auprès de la poulette une fois qu’elle serait là… résultat : quand mon congé de maternité a été fini, j’ai été super contente de retourner au boulot (alors que maintenant, ça me ferait super plaisir de lâcher ce boulot qui me bouffe… mais c’est une autre histoire…). Bref, être maman au foyer, je ne pourrais pas… je tournerais tout le temps en rond. Par contre, je ne cracherais pas sur un temps partiel, j’avoue ! Mais je ne culpabilise que très rarement…

  5. Tous ces questionnements sont bien naturels, pour moi les meilleures mamans sont les mamans épanouies car lorsque l’on ne se sent pas bien, on devient vite aigri. Alors continue à t’épanouir du mieux possible dans cet équilibre qui te convient à toi (certes pas évident mais si enrichissant), et ta fille va grandir comme une fleur irradiée de soleil par sa super maman préférée working mum 😉

  6. Tu exprimes ce que ressentent la plupart des mamans toutes catégories confondues. Y a t-il une solution à cela, j’en doute fort. Cependant, notre bonheur personnel ne peut faire de nous que de ‘bonne maman’. P.s. je ne suis aucunement pas liée à cette marque bien que j’aime beaucoup leur confiture☻.

%d blogueurs aiment cette page :