Une collègue m’a demandé hier si je reviendrais au Canada si c’était à refaire. Je n’aime pas trop ce genre de question que je trouve vraiment tordue.
Je veux dire par là que si nous avions toutes les cartes en main au moment où nous faisons nos choix de vie, beaucoup ne seraient certainement pas mariés seraient riches, célèbres ou je ne sais quoi d’autre.
La question m’a quand même intriguée parce qu’on me la pose souvent. On me demande aussi avec un ahuri pourquoi j’ai quitté amazing Paris ! Je ne sais pas pourquoi. Sans doute parce que les gens doivent se dire qu’il faut être fêlé pour quitter la vieille Europe et la qualité de vie qu’elle offre ?
Enfin bref, hier pour la première fois, j’ai réfléchi à la question. Je me suis demandé si je referais le saut de l’immigration en famille si c’était à refaire. Je n’ai pas posé la question à monsieur Gaou, car je ne connais que trop bien sa réponse. Elle est courte, directe, catégorique et composée de trois lettres : NON.
En effet si c’était à refaire, il ne le referait pas. Il n’aime pas le Canada, la mentalité au travail (je le rejoins sur ce point), ce refus permanent du conflit qui vire à l’immobilisme (je le rejoins sur ce point aussi). Je pense que son opinion négative sur le sujet est en grande partie due au fait que sa recherche d’emploi s’avère plutôt compliquée. De plus, contrairement à moi, Il n’était pas immigré en France.
Il ne subissait pas les discriminations et ne vivait pas de plein fouet les difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les étrangers et les Français issue de l’immigration / de la diversité/ comblez les espaces avec le nouveau terme à la mode pour dire les autres…
Moi en l’occurrence, mon avis est un peu moins tranché. Ma situation professionnelle s’est grandement améliorée depuis que je suis là et je ne vis plus le racisme et les humiliations en tout genre comme ça pouvait être le cas en France. Je rentre dans toutes sortes magasins et aucun agent de sécurité ne me colle au derrière.
Certes ma famille et mes amis me manquent mais ça fait partie du jeu quand on décide de partir aussi loin du coup je fais avec.
Je ne peux cependant pas m’empêcher de culpabiliser quand je vois mon homme galérer comme pas possible pour trouver un emploi digne de ce nom. Quand on immigre en couple / famille, on sait très bien que l’aventure ne va pas tourner de la même façon pour chacun des membres. Nous le savions avant de partir ; là où nous avons fait erreur c’est que nous pensions que je serais celle qui aurait du mal à trouver un emploi intéressant car son domaine est beaucoup plus en demande que le mien. De plus il a des compétences et un niveau d’expérience que je n’avais pas encore acquis dans mon domaine. Nous nous étions préparés à un éventuel échec professionnel me concernant et nous avions toute une liste de plan B pour moi. J’aime le domaine dans lequel je travaille mais ça ne me dérange pas de changer complètement ou de reprendre des études.
Une fois sur le terrain, c’est l’inverse qui se produit. Je n’ai pas (encore) eu de mal à trouver du travail et à chaque fois j’ai des avantages et un salaire auxquels je n’aurais même pas rêvé il y a deux ans. Ma réussite professionnelle est belle, me rend fière et me booste mais ce succès a un goût amer. C’est un peu comme si j’avais sacrifié la carrière de mon époux sur l’autel de ma « réussite ».
Je sais que ça va finir par s’arranger, qu’il finira par trouver un emploi correct. Mais c’est vraiment difficile à vivre au quotidien.
Hier j’ai donc repensé à tout ça et je me suis demandé ce que je ferais si c’était à refaire. Je vais être honnête, il y a des jours où c’est vraiment difficile. Ces jours-là l’idée même de sortir du lit m’est insupportable ; ces jours-là je voudrais tout lâcher et rentrer chez moi … au Sénégal.
Et puis il y a des moments où je me sens vraiment bien ; où je me dis que le Canada finalement ce n’est pas si mal. Pas au point de m’y projeter à très long terme (je sais que nous ne resterons pas au Canada ; nous le savions avant de venir. Je vous expliquerai pourquoi dans un autre billet à venir sous peu.) Mais je m’y sens bien.
Cette sensation n’est pas spécifique au Canada, je l’avais aussi quand je vivais en France.
L’immigration ce n’est pas uniquement la réussite professionnelle. Le travail et l’argent sont importants mais ça ne fait pas tout. Immigrer c’est repousser ses limites, sortir de sa zone de confort, aller vers les autres, élargir ses perspectives, voir la vie sous un autre angle. Immigrer m’a aussi permis de revoir mon rapport aux autres. Aussi étrange que ça puisse paraitre, m’éloigner m’a rapprochée de ma famille et de mes amis ; la distance a renforcé nos liens.
L’immigration a aussi changé mon regard sur mon mari qui après 11 ans de vie commune continue à me surprendre. Je le vois lutter pour se faire une place dans le monde du travail depuis que nous sommes ici. Il continue à me pousser et à me soutenir malgré tout. Il n’aime pas le Canada mais est prêt à rester le temps qu’il faudra pour que je m’epanouisse professionnellement.
Immigrer m’a fait grandir en somme ; alors malgré les angoisses, les nuits sans sommeil, les sacrifices et l’incertitude, si c’était à refaire je pense que je le referais sûrement parce que c’est une expérience humaine extrêmement enrichissante.
La photo vient de Google image
Catégories :Temoignages de Gaous
J’ai beaucoup de mal à répondre aux questions du type « et si… ». Il y a tellement de paramètres qui rentrent en jeu! Dans la vie, rien n’est définitif. On vogue, on prend des risques et on voit 🙂
Exactement! Advienne que pourra! La vivre c’est prendre le risque de mourir 😅
Très intéressant ce témoignage. J’ai aussi un peu de mal avec les « si », parce que bon, on peut aller très loin avec ça. On prend un chemin, au hasard/par choix/ par obligation…et on s’y tient, on n’a pas tellement envie de perdre du temps à imaginer ce qui aurait pu se trouver sur l’autre chemin.
Je suis un peu comme toi, la plupart du temps, je suis épanouie là où je suis (enfin, « épanouie », tout est relatif) et puis, il y a des jours, j’ai envie de prendre l’avion et m’envoler chez moi, à Madagascar.
C’est l’éternel dilemme de l’immigré On a toujours le cul entre deux chaises…
Je ne me pose jamais ce genre de question ^^ j’ai vécu de très mauvais moments dus à des choix mais qui, au final, ont impliqué pas mal de choses positives (j’ai l’impression de parler chinois ^^). Bref, je suis du genre à dire que je ne voudrais rien changer au passé parce qu’il nous construit 🙂
Tu ne parles pas chinois. On apprend de nos erreurs. C’est la vie. Ceci étant je n’irais pas jusqu’à dire que le Canada c’était une erreur…
Exercice difficile, je n’aime pas non plus les retours en arrière fictifs. La reponse qu’on y fait depend de ce qu’on a vecu, ca fausse la donne!
Avec des si on coupe du bois comme dirait mon chéri. L’homme est un poète 😂
Il est très intéressant ton post. Ca m’aide beaucoup, et je vois tout à fait ce que tu dis pour l’évoquer sovent avec mon conjoint… Ce « De plus, contrairement à moi, Il n’était pas immigré en France. », ce « Il ne subissait pas les discriminations et ne vivait pas de plein fouet les difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les étrangers et les Français issue de l’immigration / de la diversité/ comblez les espaces avec le nouveau terme à la mode pour dire les autres… », ce « ces jours-là je voudrais tout lâcher et rentrer chez moi … au Sénégal »… Ces dernier temps, avec les récentes actualités en France dont je parlais qui plus est, mon réflexe est de (re)partir au Canada ou hors de la métropole, à La Réunion (cherche pas…). En revanche, oui, actuellement je ne suis pas immigrée, et je vois au combien immigrer est complexe, mais n’en ressent pas l’ensemble car ne le vivant pas moi même. Alors tes mots vis à vis de ton conjoint me parlent. Quant à mon conjoint, face au climat en France, son réflexe, qui était auparavant de partir au Canada tout comme moi, est devenu celui que tu évoques : repartir oui, recommencer oui, mais dans mon pays d’origine qu’est le Cameroun. Bref, il craint galérer à nouveau, devoir à nouveau faire des preuves qui dépassent l’entendement… et comme tu le dis, de ton côté, c’est finalement toi pour qui ca a été plus easy… mais on ne peut jamais savoir à l’avance… Alors lui, désormais il ne veut plus prendre autant de risques… à moins que le job canadien ou ailleurs soit trouver en amont du départ… ce qui change énormément de chose pour immigrer mine de rien. Bref je te parle de moi (quelle pipelette) avant tout pour te dire Merci, car tes expériences permettent de mieux réfléchir ! Des bises (et question en aparté, et ta princesse, elle dirait quoi elle ?)
Tu peux parler de toi autant que tu veux 😊
Le blog est aussi là pour qu’on échange. Je comprend vos hésitations car c’est dur de galérer. Surtout quand on embarqué son enfant dans cette aventure. Après comme ont dit avec mon chéri nous avons la chance de pouvoir revenir en Europe quand on sera prêt. Ce n’est l’as comme si on venait d’un pays en guerre. Tout est question de perspective finalement.
Pour la puce je prépare un billet dessus trop long à expliquer en quelques mots. On va dire qu’elle suit le mouvement 😊
c’est intéressant de lire les impressions d’autres immigrés au Canada. C’est sûr que l’aspect professionnel est important et j’ai l’impression qu’à ce niveau, les choses ne se passent jamais vraiment comme prévues. Pour ma part, si c’était à refaire, je le referais sans hésiter car au-delà de ma situation professionnelle (qui n’aurait jamais été la même si j’étais restée en France), vivre à l’étranger m’a apporté énormément sur le plan humain. 🙂
C’est en plein ça comme on dit ici. Le boulot compte énormément mais c’est avant tout une aventure humaine. Le gros problème c’est qu’on vend à tort le Canada comme un paradis de l’emploie on insiste pas assez sur les difficultés immenses qu’on peut rencontrer avant d’avoir une situation acceptable. Mais immigrer reste malgré tout une très belle leçon de vie.
Merci d’être passée par ici 😊
oh oui ce que tu dis est tellement vrai, je ne peux que le confirmer avec les exemples que je vois au sénégal : dans l’expatriation en couple, il y a toujours un perdant (professionnellement parlant du moins). Tu lui transmettras de ma part que je le trouve vraiment exceptionnel de soutenir sa femme, très courageux de garder ses objectifs en tête et que je lui envoie toutes les bonnes ondes du monde pour que ses recherches aboutissent enfin sur un job qui le fasse vibrer autant que sa vie de couple/famille ! bref, je l’embrasse, et toi aussi, et la puce aussi ! d’ailleurs qu’est-ce qu’elle en dit elle ? pour sûre si elle venait habiter au Sénégal elle ne voudrait plus en repartir !!!
Merci petite Yaye pour ce gentil commentaire. Comme tu dis il y a toujours un membre du couple qui est « perdant » et pas toujours niveau professionnel.
La puce comme je dis suis le.mouvement. je prépare un billet pour parler de son immigration justement.
Des bisous 😙😗
Belle analyse!
L’immigration permet de sortir de sa zone de confort et parfois/souvent, de se surpasser. Malgré les péripéties, je pense que c’est une véritable richesse.
La cooptation oops! je veux dire – les références – est monnaie courante ici. N’hésitez pas à en pas recourir.
En tout cas, je lui souhaite à M. Gaou de trouver un emploi en adéquation avec ses attentes ou, quelque chose qui s’y rapproche☻.
Merci Nely. On fait tout ce qu’il faut pour que sa situation change mais le marché de l’emploi à Montréal à l’air encore plus hermétique que celui de Toronto. Mais bon on s’accroche et on essaie de saisir toutes les opportunités. Merci en tout cas pour ton gentil commentaire 😊
Je ne suis pas tout à fait d’accord, l’immigration professionnelle peut très bien fonctionner pour les deux membres du couple, que pour un, ou pour aucun.
Montréal, c’est peut-être plus compliqué de trouver un emploi pour un français qu’ailleurs. La ville étant saturée par les français, il y a toujours les employeurs qui ne voudront pas d’étranger, donc c’est plus difficile de trouver un emploi en raison de la concurrence. S’il est bilingue, c’est quand même étonnant qu’il ne trouve pas car c’est un vrai atout.
Moi non plus, je n’aime pas ce genre de question car y répondre est difficile. Il y a toujours du positif et du négatif partout, aucun endroit n’est parfait.
Je ne dis pas le contraire. Je dis juste que ça ne va pas forcément tourner de la même façon pour les 2. Aussi bien sur le plan pro que pour l’adaptation. Tout peut se passer à merveille sur tous les plans. Mais on peut aussi être face à des cas où même si tout va côté pro, un des membres de la famille n’aime pas le pays où n’arrive pas à s’adapter. De toute façon, je pense qu’il y a autant d’expérience que d’immigrés.
Merci d’être passée 😊
Tu parles de « plans B » professionnels pour toi….mais, et pour ton mari? Il ne se voit pas faire autre chose?
Il regarde les différentes options qu’il peut avoir.