Un Gaou donne des conseils : l’expérience canadienne

workJ’ai été contactée par quatre recruteurs via mon profil LinkedIn. Ils m’ont proposé des postes que j’ai déclinés pour plusieurs raisons. Les recruteurs ici sont vraiment très ouverts; cette proximité est vraiment agréable. J’ai donc profité de ces entretiens pour leur poser quelques questions sur la fameuse expérience canadienne.
On lit partout qu’en tant qu’immigrant il faut tout recommencer à zéro et accepter des postes en dessous de ses compétences afin d’avoir la fameuse expérience canadienne. Celle qui ouvre toutes les portes, qui permet d’accéder à des postes supers géniaux et de profiter de la vie trop amazing dans l’eldorado canadien. J’avoue je caricature un peu.
Il n’est pas rare de lire/d’entendre qu’il faut accepter un poste en dessous de ses compétences pour avoir une expérience et des références canadiennes qui permettront d’accéder à des jobs dans son domaine. Malheureusement, lorsque je me renseignais, personne n’a su vraiment me dire jusqu’à quel niveau il fallait accepter de descendre pour être cohérent avec son projet professionnel. Une amie RH à Gatineau m’a dit qu’au bout de 6 mois sur un poste on pouvait considérer qu’on avait acquis une bonne expérience et qu’il fallait à tout prix passer la période d’essai. Je sais que chaque expérience est unique et que c’est le pays où tout est possible si on en croit la majorité des témoignages mais le Gaou est de nature sceptique et prudente. J’ai donc pris le parti d’interroger moi-même quelques recruteurs et voilà ce qui en est sorti.
Ils ont tous reconnu que la durée de l’expérience n’est pas définie. Elle peut varier en fonction de l’employeur, du recruteur, du poste etc. Un employeur qui prend en compte toute votre expérience y compris celle acquise à l’étranger ne va pas se focaliser sur le nombre de jours travaillés au Canada. Il sera surtout intéressé par vos compétences. C’est ce qui fera la différence entre vous et un autre candidat. Cette donnée n’est bien évidement pas applicable à un employeur qui veut un candidat avec une bonne expérience au Canada.
Maintenant en ce qui concerne l’expérience canadienne, ils ont TOUS confirmé ce dont je me doutais déjà : expérience canadienne oui mais pas n’importe laquelle. Je m’explique, travailler chez Tim Hortons comme vendeur de donuts quand on cherche à terme un poste de responsable qualité ou de chef de projet n’est pas cohérent aux yeux d’un recruteur. Il n’y a pas de sot métier certes et il faut bien remplir le frigo, ils le conçoivent aussi. Ils m’ont cependant confirmé que s’enfermer dans une jobine ne vous fera pas décrocher le poste de vos rêves. Il ne faut pas oublier, qu’ici comme ailleurs, les recruteurs et les employeurs reçoivent des centaines de candidatures. Parmi elles, il y en a une bonne partie qui a été pistonnée référée. Vous serez en concurrence avec (entre autres) d’autres immigrants et des gens diplômés d’universités canadiennes. Pourquoi un employeur irait prendre un immigrant qui travaille depuis des mois comme agent dans la restauration rapide ou qui fait de la mise en rayon dans un supermarché pour des postes beaucoup plus qualifiés? Surtout si les dits postes sont dans un domaine qui n’a rien à voir avec la restauration ou la grande distribution? Vous n’avez pas de réponse? Moi non plus!
Avant de quitter Paris, je m’étais préparée à l’idée de recommencer à zéro. En revanche, je savais pertinemment que je ne pourrais pas faire n’importe quel travail. Ce n’est ni du mépris, ni de la condescendance. Je suis convaincue que tout travail est valorisant tant que l’on aime ce qu’on fait. Mais à mes yeux, c’est très important d’être en accord avec soi-même. De plus ne sachant pas au moment du départ si j’allais être amenée à repartir en France ou ailleurs, je voulais un métier qui reste dans mon domaine. Je voulais à tout prix être cohérente professionnellement parlant et ne pas avoir de la misère à me vendre sur le marché du travail. Mon mari a eu la même approche et nous sommes tous les deux restés dans notre domaine. Mon mari est passé d’un poste de manager à celui de conseiller mais il changé de fonction rajoutant au passage une corde à son arc. Mon poste était un peu plus junior que celui que j’avais à Paris mais il a évolué depuis.
Le Canada est trop souvent présenté comme un pays où il y a presque le plein emploi et qui n’a pas souffert de la crise. Cette vision idyllique ne reflète absolument pas la réalité sur le terrain; en tout cas pas à Toronto qui est censé être un bassin économique du pays. Notre immigration se passe très bien mais nous essayons d’avoir un œil lucide sur notre terre d’accueil. J’ai rencontré des immigrants qui enchainent périodes de chômage et petits boulots parce que leur société a fermé (oui ça existe ici aussi) ou encore d’autres, qui faute de diplômes reconnus sont enfermés dans des jobines depuis plusieurs années et attendent d’avoir la citoyenneté canadienne pour rentrer. Oui c’est aussi ça la réalité de l’immigrant. Je ne veux faire peur à personne, il y a aussi des success stories c’est vrai. Mais je reçois beaucoup trop de messages de gens qui n’ont pas une vision réaliste du Canada.
Pour conclure, je voudrais juste dire que le niveau d’expérience requis peut varier en fonction de la chance, des domaines, des qualifications et de l’employeur. Mais il faut garder à l’esprit que l’expérience canadienne n’ouvre pas forcement toutes les portes et encore moins si elle a été acquise via une jobine. La concurrence est rude et il faut parfois repasser par la case formation même après des années d’études et d’expérience.



Catégories :Les Gaous au Canada

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14 réponses

  1. J’approuve ton message.
    La concurrence est rude sur certains postes, il faudra littéralement se battre comme un chien affamé pour l’obtenir. 😉 il faut pas oublier que même pour les Canadiens ce n’est pas simple !
    Pour les Jobines , je dirais que c’est beaucoup plus facile qu’en France, dès qu’un employeur a un besoin (exemple : serveur, manutention, etc…), il aura beaucoup moins de freins pour recruter (pour des raisons de coût du travail :charges sociales moins rédhibitoires)
    Donc si votre urgence est de trouver un salaire pour payer le repas et le loyer à votre arrivée, pas de problème le vous trouverez.
    En revanche si on souhaite poursuivre au Canada la progression de carrière commencée en France, il faudra être un peu plus patient et stratégique.

  2. Merci Didier! Effectivement c’est compliqué pour TOUT le monde Canadiens y compris. Tout dépend pourquoi on immigre. Des jobines pour manger dans l’urgence oui mais il faut être stratégique c’est vraiment le mot! 🙂

  3. On est vraiment privilégié en Europe. C’est très interressant d’avoir une vision réaliste du Canada.

    • Je ne suis pas ici depuis longtemps mais franchement je ne trouve pas la recherche d’emploi plus facile qu’en France! En plus ici tu es beaucoup moins protégé qu’en France. Ils sont plus flexibles ce qui est un avantage et un inconvénient de mon point de vue. Je prévois d’ailleurs de faire très prochainement un article sur les discriminations à l’embauche parce que oui elles existent ici aussi. Elles sont justes sous une autre forme.

  4. Bonjour,

    Sa fait un petit temps que je suis ton blog. Je le trouve très instructif pour les gens qui l’intention de s’installer au canada.
    J’ai beaucoup d’amis sur Montréal qui n’arrivent pas a décrocher de boulot dans leur domaine.

    En tt cas merci pour ton retour d’expérience

    • Merci Revenche! Tes amis sont dans quel domaine? Ils cherchent depuis combien de temps? Ça peut être interessant de comparer les expériences . Merci du passage en tout cas 🙂

  5. belle plume comme d’habitude 🙂

  6. Toujours right on the topic. Merci. Si similaire avec les USA.

  7. Wow, malgre mes 4 ans de vie au Canada. Je fais partie de ceux qui pensaient (a tord) que l’experience canadienne s’acquiert en prenant le 1er boulot venu.
    C’est con mais c’est vrai que vous ecrivez: experience oui mais pas n’importe laquelle.

  8. Ton message est au point ! Je suis en train de passer par la meme chose en ce moment et je vois que les employeurs considere l’experience dans le secteur que tu applique. L’experience Canadienne ne devrait pas etre la seule raison pour disqualifier des candidats,

  9. hello.Merci pour ton blog que je lis avec tant de plaisir. Je suis a Toronto et c’est vrai que je croyais toute experience canadienne bonne…Merci pour les updates.
    Au fait, je suis d’Afrique de l’Ouest aussi.;)

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