« La langue française est une noble gueuse, et elle ne souffre pas qu’on l’enrichisse malgré elle. » – Marcel Prévost
Je vais aborder un sujet qui m’irrite au plus haut point depuis que je vis à Montréal. Non il ne s’agit pas de l’état catastrophique des routes. S’il y a bien une chose qui a le don de m’énerver depuis que je vis ici, ce sont les remarques désobligeantes et incessantes que certains se sentent obligés de me faire sur la soi-disant mise en danger de la langue française par mes congénères et moi. Je vis à Montréal depuis une année et demie seulement et je n’en peux plus de ces commentaires désapprobateurs. Dès que j’ouvre la bouche dans certains milieux, j’ai droit à une diatribe violente contre la manière dont s’expriment les Français. C’est vraiment insupportable ! Je ne sais plus le nombre de fois où des gens (à qui je n’avais rien demandé) se sont permis de venir me dire que « nous les Français» menions la langue française à sa perte. Apparemment les Français font énormément de fautes et «loadent*» la langue avec des anglicismes. Excuse me?
Ces remarques me hérissent le poil pour plusieurs raisons. Je ne me permettrais jamais, mais alors jamais de prendre à partie une personne dans le seul but de critiquer la manière dont on manie la langue je ne parle pas du French kiss dans son pays. Dieu sait pourtant que je peux être une vraie langue de vipère et que bitcher oh le vilain anglicisme doublé d’un néologisme arrive tout en haut de ma liste de priorités juste après manger. Ce manque de savoir-vivre (oui c’est de l’impolitesse) me sidère et m’exaspère. J’ai essayé à plusieurs reprises de faire comprendre à mes interlocuteurs que je ne suis pas responsable du bureau des plaintes de l’académie française que je n’apprécie pas du tout ces critiques et que je les trouve pour la plupart injustifiées ; mais c’est peine perdue.
Je ne comprends pas (et ne comprendrai jamais je l’espère) ce besoin viscéral qu’ont certains de donner leur avis alors qu’on ne leur a rien demandé ! Si encore ces quelques tristes personnages que j’ai croisés et qui ont la critique facile avaient un français estampillé impeccable par le Bescherelle, la pilule aurait un peu moins de mal à passer ; mais il n’en est rien.
Excusez du peu mais quand on dit « les chevals », « je ne sais pas qu’est ce qu’il a dit…», « je vais n’en prendre… » « C’est nous qu’il faut qu’on» mais où est donc le faucon , il faut être sacrement gonflé pour venir critiquer la manière de s’exprimer des autres. Ça vaut aussi pour ceux qui utilisent des doubles négations du style : « je ne peux pas rien faire… »
La majorité des gens qui m’abordent pour se faire les chantres du bien parler ont un français à couper au couteau et je n’en fais pas tout un fromage.
Le français n’est pas ma langue maternelle mais s’il y a une chose que j’ai apprise dans tous les pays francophones où j’ai eu la chance de mettre les pieds, c’est que la langue (le vocabulaire surtout) évolue et s’adapte à son environnement. Le français est une langue vivante et il est tout à fait normal qu’elle la langue pas le maudit évolue, s’adapte à l’environnement et à la culture du pays où elle est parlée. Au Togo par exemple, «enceinter» est un verbe qui se conjugue à tous les temps du moins à l’oral. Au Sénégal, on dit « il fait quelle heure ». Est-ce grave ? Non pas de mon point de vue ! Le vocabulaire et la syntaxe sont différents dans chaque pays voire même dans chaque ville. Oui j’enfonce des portes ouvertes. Si ça convient aux Togolais alors je ne vois pas du tout où est le problème. Tant que nous nous comprenons entre francophones, tout va ! Je ne parle pas de la grammaire et de l’orthographe hein ; ignorer la concordance des temps (ou dire « ils croivent ») est un crime de lèse-majesté.
En France on utilise beaucoup de mots qui sonnent anglais (et qui pour la plupart n’ont aucun sens dans la langue de Shakespeare) pour se donner du style (prononcer staïle) quand on parle et on écrit ognon ; est-ce la fin du monde ? Non ! Au Canada, il y en a aussi énormément d’anglicisme (oui oui checker, la game, céduler, soccer et watcher, pour ne citer que ceux là sont des mots derivés de l’anglais) même s’ils diffèrent de ceux utilisés dans l’hexagone. Avant d’émettre des critiques sur la façon de parler des gens il faut aussi prendre en compte l’aspect géopolitique et social car ce sont des choses qui influent sur la langue.
En tant que responsable auto proclamée du bureau des plaintes de l’académie française, je tiens à dire que chaque individu est libre et a de ce fait le droit d’utiliser le vocabulaire qui lui sied sans pour autant faire l’objet de critiques et de quolibets en tous genres. L’essentiel étant de pouvoir communiquer et échanger de manière intelligible et intelligente…
Note de l’auteure : Loader vient de l’anglais to load et veut dire charger ; on me dit dans l’oreillette que c’est un verbe du premier groupe. A vos marques, prêts ? Bescherelle !
Source de l’image ici
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J’évite ce genre de débat pour l’avoir beaucoup trop pratiqué quand j’enseignais le français. J’ai adopté avec plaisir certains mots québécois et quand je traduis, je traduis en français canadien. Mais je ne vais pas aller couper les cheveux en quatre et décréter que ci ou ça est un anglicisme, etc. Whatever. Si c’est passé dans la langue, je l’utilise (et je ne parle pas de « weekend », mais de mots comme « contacter »…)
Je suis tout a fait d’accord avec toi. Je ne débat pas non plus sur la langue car je sais (pour avoir déjà vécu à Montréal dans le passé) que c’est un sujet sensible. En revanche certains tag ressent carrément des qu’ils réalisent que tu es française. Un peu comme s’ils avaient un compte à régler avec la France et du coup comme tu es la tu prends pour tout l’hexagone. Ce genre de comportemets m’inssupporte et j’ai vraiment du mal rester calme face à ça ….
D’accord avec Juliette. Je dois dire que cela m’amuse de décoder les nouveaux mots qui entrent dans la langue française et les mots anglais (depuis Guillaume le Conquérant) en ont toujours fait partie. Depuis la révolution High Tech il est normal de trouver de plus en plus de mots anglais/américains dans toutes les langues à travers le monde. Ce qui me passionne c’est quand les mêmes mots en français ou en anglais prennent un sens différent. Pendant le mot d’avril, je me suis amusée à écrire un billet par jour sur le sujet. Sans jugement. J’aime le Québec et Montréal mais je partage l’avis des Gaous: pas terrible pour donner des leçons en français. Les langues représente une époque c’est pour cela qu’elles s’appellent langues vivantes.
Merci du passage Evelyne. Je plussoie à 100% ton commentaire 😊
Bonjour madame Gaouuuuuuuu !
Je comprend très bien votre écoeurement car je le suis aussi du français parlé en france et que l’on m’impose trop souvent dans des films doublés en france.
Jusque vers 1980, tous les doublages en français étaient faits en france et la qualité du français était IRRÉPROCHABLE et c’est à ce genre de français que les québécois se sont habitués. Après çà, la qualité s’est détériorée graduellement jusqu’au point où aujourd’hui, c’est remplis de mots d’argo et de mots anglais prononcés à la française et çà, çà rend un film très moche.
C’est pour cette raison que le Québec a commencé à faire ses propres doublages à cette même époque.
Mon avis à ce sujet est que les français (et aussi les Québécois) ont bien sûr le droit de parler le français de la façon qu’ils veulent chez eux mais par contre, la France étant le siège de la francophonie, elle a le devoir d’agir comme la locomotive de la langue française au niveau mondial en mettant un français DE QUALITÉ dans les produits qu’elle exporte (comme les films); ce qu’elle faisait jusque vers 1980.
Maintenant, voici une autre de mes opinions que cette fois, pratiquement personne chez-moi (et certainement aucun français) partage: La pertinence de parler français au Québec.
Moi, je considère que la langue et la culture sont 2 choses bien distinctes et la preuve en est que les films américains doublés en français transmettent une culture américaine et non pas française.
Comme tu y a aussi fait allusion indirectement, une langue n’est rien de plus qu’un moyen de communication et celui-ci évolue en s’adaptant à son environnement.
Ceci étant dit, je trouve que le québec aurait grand avantage à parler anglais car il est littéralement noyé dans une mer anglophone et que cela rendrait la vie bien plus facile aux québécois sans pour autant leur enlever leur culture qui leur est bien spécifique.
Imagines un peu:
1- Les français ne pourraient plus critiquer notre mauvais français.
2- Les québécois n’auraient plus à subir le mauvais français des films doublés en france.
3- Les anglophones du canada nous aimeraient beaucoup plus car on ne revendiquerait plus un statu spécial en raison de notre langue française.
4- Ce serait beaucoup plus facile pour tous les québécois de voyager et travailler partout en amérique du nord et dans le reste du monde à cause de notre anglais qui serait alors parfait.
5- Les québécois auraient accès à un tas de bons films américains qui n’ont jamais été doublés en français.
6- Et je pourrais énumérer un tas d’autres avantages.
What do you think about that ?
Juste pour éviter une possible incompréhension, je tiens à préciser que le « madame Gaouuuuuuuu » inscrit dans la première ligne est une blague que je sais qu’elle saura rire car la culture africaine est encore plus joyeuse que la québécoise.
En effet, madame Gaouuuuuuuu qui a bien raison d’en avoir ras le bol de se faire critiquer, a écrit son texte sous la forme du langoureux hurlement d’une louve d’où mon « madame Gaouuuuuuuu ».
J’avais compris que c’etait une blague pas de soucis 😊
En revanche pour le coup de l’anglais au Québec je ne suis pas tout à fait d’accord. Je pense que la langue française fait aussi la particularité de cette province. Mais ce n’est que mon humble avis 😉
De toute évidence, ce sujet est considéré trop chaud par les français et il est donc évité.
Moi je ne trouve pas et considère même que c’est important d’en parler.
Je suppose donc que la différence entre français et québécois consiste principalement dans la façon d’en parler; les français étant sans doute beaucoup plus sujet à s’emporter que les québécois.
Alors svp, PARLONS-EN SANS INHIBITION mais EN RESTANT CALME et ce sera très plaisant !
Voici une information que j’aime bien partager avec les français car j’ai l’impression qu’ils connaissent mal la position du français dans le monde et là, ce n’est pas leur faute car les statistiques ont été galvaudées par des termes très nébuleux.
Par exemple, le terme « francophonie » désigne l’ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue maternelle, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement ou langue choisie. La francophonie peut renvoyer tant à l’ensemble des pays francophones qu’à l’ensemble des pays ou régions membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) (notamment représentés par l’Association internationale des régions francophones (AIRF), où le français n’est d’ailleurs pas obligatoirement la langue majoritaire, ni même langue officielle.
Si les membres de « l’anglophonie » se définissaient de la même façon que ceux de la francophonie alors nous serions tous des petits anglophones car nous avons tous une connaissance de la langue anglaise.
Alors c’est clair qu’un vrai francophone c’est avant tout une personne dont la langue maternelle est le français (locuteur natif) et cela fait donc chuter dramatiquement le nombre de francophones dans le monde.
Ici, on voit les cartes de diffusion de diverses langues (dont le français) ainsi qu’un tableau estimatif du nombre de locuteurs natifs pour plusieurs langues:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_langues_par_nombre_de_locuteurs_natifs
À la NOTE 1 il est dit:
En 2012 il y aurait 73,8 millions de francophones de langue maternelle dans le monde, dont 59,2 millions en France (93% de la population), 7,3 millions au Canada (22%), 4,2 millions en Belgique (38 %), 1,7 millions en Suisse (21%), 84 000 au Luxembourg (16%) et 1,3 millions de Français résidant hors de France.
En clair, cela veut donc dire qu’en dehors de la france, il n’y a que 14.6 millions de francophones de langue maternelle et que la moitié d’entre eux sont situés au canada, en plein milieu d’un océan anglophone.
Voici leur distribution précise:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canadiens_francophones
Pour les nombreux français qui l’ignorent, l’ontario a déjà compté quelques millions de francophones mais ils ont en grande partie été assimilés au début du 20è siècle (il n’en reste plus que 560 mille) car la loi de l’époque les forçait à fréquenter des écoles anglophones et c’est la même histoire dans tout le canada (sauf le québec).
Et pour les francophones du québec (qui constituent le 2è plus gros groupe de francophones de langue maternelle dans le monde, leur avenir en français n’est vraiment pas évident.
Faut déjà savoir qu’au début du siècle dernier, le québec a perdu un bon 30% de sa population (j’ai pas le chiffre exacte) qui a émigrée aux USA pour travailler.
Et puis aujourd’hui, avec un taux de natalité parmi les plus faible au monde et des pressions assimilatrices qui se font de plus en plus fortes, le québec francophone se fait de plus en plus petit… et un jour il disparaîtra inéluctablement.
Pour la Belgique francophone et la Suisse francophone, leur histoire est différente mais pas moins tourmentée et leur destin pourrait bien être le même.
Il ne restera alors plus que la France avec son français remplis d’argot et de mots anglais prononcés à la française et alors là, je vois mal les pays africains continuer à utiliser le français comme langue seconde ou comme langue de l’enseignement.
Bien voilà, c’est exactement cela le vrai enjeu du français dans le monde et çà montre très bien à quel point on est tous idiot de se critiquer mutuellement parce que notre français est mauvais.
Bien sûr, au québec on a quelques bonnes raisons de mal parler le français (on est entouré par 350 millions d’anglophones) et c’est déjà un paradoxe incompréhensibles qu’on parle encore français.
J’aimerais donner mon point de vue.
Je suis africaine et non française. Je suis donc a priori très neutre.
Moi je pense que la France protège beaucoup plus le français que le Québec ne l’a fait jusqu’à présent et cela pour deux raisons :
1) Les français préfèrent la qualité à la quantité.
Oui, les journalistes français disent des mots anglais, mais ils parlent aussi un excellent français. Oui, les journalistes québécois évitent de dire des mots anglais, mais je les trouve bien loin des standards français.
Je me souviens d’une québécoise qui m’avouait :je trouve que les documentaires français et le journal fait par les journalistes français sont plus agréables à entendre que ceux du Québec. Je lui ai répondu : c’est à cause de la qualité de leur français.
Et je lui donne raison, j’ai rarement vu un documentaire québécois comme ‘secret d’histoire ‘ ‘ ombre d’un doute’ etc….
En ce qui concerne les films traduit par les Français, il faut savoir que ces films sont traduits pour la Francophonie. Ceux qui traduisent ces films s’adaptent à la réalité du film. Si c’est un film historique, alors on utilise un Français soutenu. Mais si c’est un film qui parle de jeunes de ghetto , alors on utilise un jargon de ghetto .
En outre , les français ont indubitablement une mentalité liée au français . Ils réfléchissent en français et traduisent en anglais. Par contre, on a l’impression que les québécois pensent en anglais et essaient de traduire en français. Au Québec on entend des phrases comme
– ‘laisse moi savoir’ : traduction littérale de ‘let me know’ C’est de l’anglais , en français on dit ‘fais moi savoir’
– Bienvenue : traduction littérale de You’re welcome. En francais on dit ‘De rien ‘
– Dans des documents officiels j’ai déjà lu ‘tel que discuté ‘ traduction littérale de ‘ As discussed ‘ au lieu de ‘Comme discuté’
Et j’en passe. Les Français utilisent beaucoup de mots anglais, mais ils en sont conscients. Or au Québec on substitut le français à l’anglais sans le savoir.
2) Les méthodes utilisées
Je pense sincèrement que la France défend plus le français que le Québec. Non seulement elle finance à majorité l’OIF mais en plus elle finance des centres culturels français dans chaque pays du monde.
Dans l’éducation scolaire, la France met plus l’accent sur le Français que le Québec . Pour avoir enseigné au Québec , je trouve que le niveau du Français est bien plus élevé en France et en Afrique qu’au Québec.
Je pense sincèrement que le Québec ne peut pas critiquer la France sur ce point . Seul l’Afrique peut se permettre de le faire