Mademoiselle Gaou (qui est de moins en moins mini Gaou) a perdu sa première dent (celle du bas) il y a quelques jours. Comme je vous le racontais ici, je ne savais pas trop comment aborder cette nouvelle étape ô combien importante dans la vie de mon bébé qui n’en est plus vraiment un. Après avoir pleuré un tout petit peu,
beaucoup je ne sais pas pourquoi mais depuis que je vis au Canada je suis de plus en plus émotive quand il s’agit de ma fille; surement les saloperies d’hormones qu’il y a dans la viande. Bref passons.
Je vous disais donc que mam’zelle Gaou a perdu sa dent. Contrairement à ce que je croyais, je n’ai pas eu besoin de lui expliquer quoique ce soit, Ses copains à l’école ont fait tout le travail. En voyant que sa dent du bas bougeait, un petit garçon de sa classe du nom de Jamaal lui a expliqué que la fée des dents donne de l’argent quand la dent tombe parce qu’on devient adulte, que les adultes ont de l’argent et peuvent s’acheter tout ce dont ils ont envie. Il lui a ensuite suggéré de l’arracher en tirant dessus pour avoir l’argent plus vite, ce qu’elle a fait…
Elle est arrivée à la maison toute contente d’être une adulte et persuadée qu’elle allait faire fortune. Le soir nous avons posé sa dent sur la table de nuit (il parait que ça se met sous l’oreiller ?) et attendu que la fée des dents passe lui apporter de l’argent en masse.
La fée lui a donné 5$ dollars , elle a sauté au plafond et a commencé à calculer combien elle aurait pour toutes ses dents. Inquiète que Jamaal et elle ne s’amusent à arracher sauvagement toutes ses petites dents et que je me retrouve avec une gamine complètement édentée et aux gencives traumatisées, je lui ai expliqué que la fée donnait une grosse somme pour la première dent et très peu pour les suivantes.
Quelques temps après avoir eu son pactole, elle est venue me voir toute guillerette et m’a demandé de l’emmener faire les magasins. Elle voulait s’acheter un sac à main Frozen (La reine des neiges) avec son argent. Nous sommes donc parties toutes les deux à la conquête des boutiques .
Nous avons trouvé l’objet de ses désirs dans une boutique pour enfants et elle a voulu le prendre.
Je lui ai demandé de regarder le prix, il était à 24$ . Elle a fait le calcul s’est rendue compte qu’elle n’avait pas assez , elle s’est rabattue sur un porte-monnaie, trop cher lui aussi, puis sur un porte-clés qui a 7$ sans les taxes était lui aussi au dessus de ses moyens.
Elle m’a regardée avec ses petits yeux , ceux là même qui me font fondre comme une guimauve et m’a demandé d’une voix mielleuse si je pouvais compléter, en me promettant de me rembourser quand elle aurait perdu assez de dents pour payer. Elle tenait vraiment à payer avec son argent. Je lui ai expliqué que je ne pouvais pas lui avancer la somme dont elle avait besoin parce que faire un crédit pour vivre au dessus de ses moyens n’est jamais la bonne solution.
Agacée de devoir faire tous les rayons pour trouver un objet dans son budget, elle m’a demandé de regarder rapidement et de lui montrer un objet qu’elle pouvait s’offrir pour 5 dollars. À ce prix là elle ne peut pas s’offrir grand chose et certainement pas un sac. J’ai fini par trouver un article à la portée de sa bourse. C’était une paire de chaussettes plutôt affreuses et de piètre qualité. Elle m’a lancé un regard dégoûté avant de marmonner entre les dents qu’il lui reste: « je veux rentrer à la maison! »
Nous sommes sorties de là, moi rongée par la culpabilité immense qui va souvent de pair avec mon rôle de mère et elle furieuse de rentrer bredouille.
Sur le trajet du retour, mon enfant qui est volubile et dynamique, n’a pas pipé mot. Elle faisait tout simplement la gueule. J’aurais pu apprécier ce doux silence dont elle me fait rarement cadeau si je n’étais pas mal à l’aise dans mes chaussures de mère indigne. J’ai fini par lui demander doucement:
– Ça va mon coeur? Tu ne dis rien.
Elle m’a répondu avec sa petite voix empreinte de déception et de rage:
– Bien sûr que non , ça ne va pas! On te fait croire que tu vas pouvoir acheter ce que tu veux quand tu perds tes dents et que tu deviens adulte . Mais c’est n’importe quoi! Avoir 5$ c’est comme ne pas avoir d’argent du tout. En fait les garçons sont des menteurs et la fée des dents est une sorcière.
Je voulais lui répondre «bienvenue dans mon monde d’adulte» mais ça m’a fendu le cœur de la voir ainsi. C’est pour ça que ce soir quand elle sera couchée, la petite souris et le lézard (qui est un vrai radin d’habitude) viendront respectivement de Paris et de Lomé lui déposer une petite rallonge. Cela afin qu’elle continue de vivre encore un peu dans le monde merveilleux de l’enfance où les petits garçons et les fées ne font pas de peine aux Mam’zelle Gaou…
L’image est tirée du film « Les 5 légendes »
Catégories :Le coins des petits Gaous, Une vie de Gaou
La petite souris et le lezard sont tres gentils!
Oui lorsqu’ils sont rongés par la culpabilité 🙂
Heureusement qu’elle vit dans un monde où la fée des dents, la petite souris et le lézard cohabitent !
Tout à fait! Elle est un peu jeune pour les désillusions 🙂
J’adore ton histoire, c’est le genre d’histoire que je lirais à un enfant au moment de se coucher 🙂
Son copain va être jaloux (c’est quand même bien d’avoir plusieurs cultures), mais c’est pas grave, c’est un menteur de toute façon 😉
PS: Tu as bien fait de lui expliquer pour le crédit, il n’est jamais trop tôt pour apprendre!
Rooo merci Jasmin!
Le crédit ce n’est vraiment pas mon truc. Après deux ans ici j’ai encore du mal à m’y faire. Vivre bien au dessus de ses moyens est un concept qui me dépasse…
L’union (des cultures) fait la force!!!
Oui ca et une bonne dose de culpabilité maternelle 😆
Tu racontes tellement bien les histoires 🙂
Merci Sali 🙂
Excellente réponse concernant le credit. Ça nourrit mon esprit pour plus tard lol. Merci
Vive le métissage 😉
Je dois être un dinosaure car à mon époque, on ne se pausait pas ce genre de questions.
Oh, on savait bien que la fée des dent existait car on en avait entendu parler par nos amis mais cette foutue fée ne nous a jamais rien laissé… et nous avons tout de même survécu sans subir le moindre traumatisme.
En fait, je me souviens même du grand bonheur qui m’habitait quand j’ai perdu ma première dent mais je dois avouer que j’ai aussi gardé un souvenir moins plaisant de la technique AFFREUSE qu’on m’a offert pour l’arracher et que j’ai refusée car BEAUCOUP TROP ÉPEURANTE.
En fait, on m’offrait d’attacher ma dent à une corde, d’attacher l’autre bout de la corde à une porte et finalement de fermer la porte d’un coup sec… WOUAAAAH !
J’ai donc rassemblé toute ma volonté pour m’affirmer CONTRE cette offre et j’ai préféré « prendre en charge » mon problème en arrachant moi-même cette dent avec mes doigts… petit peu par petit peu.
Côté argent, mon père avait une bonne technique pour nous apprendre les rudiments car nous recevions un salaire à chaque semaine en échange de travaux dans la maison et ce salaire pouvait augmenter quand on accomplissait plus de travail… à la condition ESSENTIELLE qu’il soit bien fait. C’est aussi à nous qu’il incombait de demander une augmentation quand on pensait qu’on le méritait et, comme dans la vraie vie, il fallait donner des bons arguments.
Mon travail à moi consistait à faire tous les travaux d’extérieur (casser la glace le printemps, couper le gazon l’été, ramasser les feuilles mortes l’automne et pelleter la neige l’hiver).
La neige représentait le plus gros travail car l’entrée de l’auto était très longue et en plus, à cette époque, il neigeait plus que maintenant mais qu’importe, j’aimais faire ce travail ESSENTIEL alors je m’y appliquais AVEC FERVEUR… sans même penser à l’argent.
Je me souviens d’une semaine où il avait TELLEMENT neigé que j’avais dû pelleter ÉNORMÉMENT à chaque jour alors cette semaine là, j’ai reçu avec GRAND ÉTONNEMENT (car j’avais rien demandé) un GROS $10; ce qui représentait environ 5 fois mon salaire normal.
Ce GROS extra a fait de moi un garçon très fier et il a fait de ma plus jeune soeur une fillette jalouse au point que la semaine suivante elle s’est mise à pelleter pour me voler mon travail. Mon syndicat a alors dû lui faire comprendre que ce n’était pas mon travail qui était plus payant que le siens mais plutôt la plus grande assiduité que j’y mettais.
Une autre fois que je pelletais en soirée et que j’étais grimpé sur le banc de neige, une auto a arrêté et le conducteur m’a offert un emploi de camelot… comme dans la vraie vie quand on voit que vous êtes travaillant. Je me souviens avoir REFUSÉ cet emploi (sans doute plus payant) pour le motif que j’avais déjà beaucoup de travail et que ce serait trop car dans ma tête, c’était clair que je ne pouvais pas laisser tomber mon père en cessant de pelleter son entrée.
Une autre chose que mon père a faite, c’est qu’il nous a demandé de payer avec notre argent durement gagnée (et économisée) pour l’achat de notre première bicyclette. Vous me direz que c’est abusif et vous aurez sans doute raison mais par contre, le fait est que moi, contrairement à tous mes amis, j’ai toujours pris soin de ma bicyclette et je ne l’ai jamais laissée traîner par terre.
Enfin, je me souviens d’une fois (j’avais même pas 10 ans) où j’avais « spotté » une énorme boite de 60 crayons prismacolor mais j’avais seulement la moitié de l’argent requis, Je suis alors allé au magasin (par mes propres moyens et sans en parler à mes parents) et j’ai demandé au propriétaire de m’accorder une réduction de prix; ce qu’il m’a alors accordé en affichant un ÉNORME sourire…
Comment dire non à un petit garçon autant charmant ?